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Crédit photo: Épicerie Les Emplettes
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Mon commerce zéro déchet attire les détaillants

6 avril 2022 | Par Sophie Poisson

Concertation Montréal, organisme à but non lucratif qui a pour mission de favoriser et d’animer le développement régional par la concertation, a lancé l’an dernier le projet Mon commerce zéro déchet, dans le cadre de l’initiative J’accélère ma transition qui remonte à 2019, pour accompagner les commerces dans leur transition écologique. Parmi les éléments qui ont porté ce projet, le Plan directeur de gestion des matières résiduelles 2020-2025 - la feuille de route collective de la Ville de Montréal pour atteindre l’objectif de tendre vers le zéro déchet d’ici 2030 – et les artères commerciales identifiées comme moteur économique et social important.

« Les commerces sont au centre des habitudes des citoyens, et on s’en est d’autant plus rendus compte pendant la pandémie, souligne Janie-Claude Viens, agente de développement – Transition écologique, Concertation Montréal. Ils ont un pouvoir d’influence tant du côté des fournisseurs, donc de la production, que des clients, donc de la consommation. Ils sont des acteurs pivots quand vient le temps de communiquer cette transition écologique. »

L’appel de candidatures était ouvert à tous types de commerce, mais une majorité de commerces alimentaires a répondu à l’appel. « La Ville a adopté l’été dernier un règlement qui interdit certains articles de plastique à usage unique dans les établissements alimentaires. Il entrera en vigueur le 1er mars 2023 et n’avait pas encore été officiellement communiqué, mais il se retrouvait dans le Plan directeur de gestion des matières résiduelles depuis 2019. Les commerces alimentaires étaient donc plus incités à commencer la transition. Ils s’y mettent aussi peut-être par besoin : c’est un type de commerce qui roule extrêmement vite et qui a été plus durement touché par la pandémie. Ils sont aussi présents en bonne proportion sur une artère commerçante », analyse Janie-Claude Viens.

C’est donc aux commerces alimentaires que Concertation Montréal a choisi de dédier la première cohorte, qui s’est rencontrée pour la première fois à l’automne. L’occasion de leur proposer une offre de services plus pointue, d’autant plus que les 14 participants - dont Épicerie Les Emplettes, BIOBAB Mini Marché, Huile & Vinaigre, Meta épicerie Première Moisson Marché Jean-Talon - ont déjà entamé des démarches vers le zéro déchet. « Ils en font déjà énormément, beaucoup plus que ce à quoi on s’attendait, fait savoir l’agente de développement. On aimerait que ça devienne un réflexe de tendre vers le zéro déchet, mais ce n’est pas le cas actuellement. Avec la pandémie, on est revenu à beaucoup d’usage unique. Il y a donc du travail à faire, notamment de sensibilisation. »

Créer un réseau

Plusieurs défis rencontrés par les entreprises ont été ciblés lors des premiers échanges. Les commerçants sont par exemple pris dans l’opérationnel et ont de la difficulté à dégager du temps à cause de la pénurie de main-d’œuvre. Le roulement d’employés est aussi un problème, puisque le zéro déchet implique de la formation, notamment pour sensibiliser les clients. Les enjeux financiers peuvent également être importants, par exemple pour les commerces à gros volumes qui mettent en place le compostage. « Il faut aussi avoir de l’énergie et de la créativité ! Comme ils sont déjà avancés dans leurs démarches, ils doivent faire preuve de débrouillardise et être capables de rentrer en contact avec d’autres commerces », ajoute Janie-Claude Viens.

L’intention de Concertation Montréal est de donner de l’information, des ressources et outils et un réseau pour que les commerçants puissent rapidement se mobiliser. L’accompagnement de groupe, qui durera environ un an, passe par des ateliers de deux heures toutes les six semaines, durant lesquels des experts abordent une thématique, parlent de leur expérience sur le terrain et vulgarisent l’information pour permettre aux commerçants d’agir rapidement. Le premier atelier a été donné en janvier par Guillaume Cantin, co-initiateur du projet et directeur général de La Transformerie, qui a parlé de gaspillage alimentaire. Des réponses plus spécifiques à chacun des participants peuvent également être trouvées lors des suivis téléphoniques qui visent à définir comment utiliser l’information qu’ils viennent de recevoir.

« On monte une communauté de pratique, donc les participants font partie de la même industrie, ils ont tous fait des tests et des apprentissages, ils ont tous une expertise à partager, s’enthousiasme l’agente de développement. Ça leur permet de gagner du temps de recherche et de bénéficier gratuitement de conseils. Il y a une économie financière au bout du compte. »

Des détaillants déjà sensibilisés

L’Épicerie Les Emplettes et ses copropriétaires, les sœurs Maude et Laurence Lechasseur Paquet, tendent déjà vers le zéro déchet. Parmi les actions menées, l’épicerie a acheté tous ses réfrigérateurs en seconde main, privilégie les fruits et légumes sans emballage, n’offre aucun sac de plastique et dispose d’une section vrac avec des essentiels comme des huiles. « On a très peu de pertes, voire pas du tout, parce que tout ce qui va passer date, soit on le met en spécial quelques jours à l’avance, soit on va l’acheter, car avec ma sœur on fait notre épicerie à partir de nos invendus », fait savoir Laurence Lechasseur Paquet.

Elle rappelle avoir une petite entreprise indépendante et devoir accepter d’acheter un minimum de produits établi par le fournisseur pour se faire livrer. Lorsqu’elle estime qu’il s’agit d’une plus grande quantité que les besoins évalués, elle privilégie des produits de longue conservation ou passe des commandes aux deux semaines plutôt qu’à chaque semaine. « On aimerait créer une gamme de prêt-à-manger qui prendrait nos rescapés et nos invendus pour faire de l’économie circulaire, confie la copropriétaire. On envisage aussi d’avoir une deuxième épicerie à Montréal pour redistribuer les commandes. » Le plus gros enjeu ciblé pour la cohorte est le fait de recevoir les produits dans des boîtes de carton. Bien qu’elles puissent être recyclées, elles arrivent en grand nombre.

Miser sur la collaboration

Laurence Lechasseur Paquet reconnaît que certains emballages sont nécessaires et qu’un dialogue est possible avec les fournisseurs. Par exemple, la boulangerie artisanale qui lui livre du pain tous les matins avait l’habitude de l’emballer dans deux sacs en plastique, puis dans des boîtes ; après discussion, il est livré dans un seul sac en plastique et dans des boîtes de plastique réutilisables qui sont récupérées le lendemain au moment de la nouvelle livraison.

L’objectif de la copropriétaire est de réduire son empreinte au maximum. Elle souhaite donc avec la cohorte découvrir des pistes de solutions auxquelles elle n’a pas pensé. « La cohorte représente une façon concrète de rendre l’épicerie plus durable et de connaître d’autres personnes qui participent à cette démarche. Je viens du milieu de la restauration où il y a un sentiment de fratrie que je vois moins entre épiciers. J’ai l’impression que c’est plus territorial, mais j’aimerais beaucoup qu’il y ait un dialogue un peu plus ouvert sur les solutions… »

Pour suivre Concertation Montréal :

Mots-clés: Développement durable
Montréal (06)