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Influencer l’inflation

 
17 avril 2022 | Par Robert Dion

Le prix des denrées est sur toutes les lèvres et il a un impact dans les portefeuilles de tous sans exception. Quand nous décortiquons la nature de notre alimentation et de ce que nous consommons, il y a peu ou pas de produits qui ne sont pas touchés par une augmentation ou une rareté.

Même si nous planchons très fort sur notre autonomie alimentaire, l’impact se fait sentir. Impossible pour les détaillants alimentaires de ne pas refiler la facture aux clients. Mais quel est votre rôle ? Le rôle d’éduquer, de rechercher des produits moins chers, mais certainement pas d’absorber les hausses.

Dans le monde moderne, il n’est pas non plus question de s’imaginer que les consommateurs vont revenir à une préparation de leurs repas quotidiens à partir de rien. Le prêt-à-manger, les produits prêts à utiliser ou les autres catégories de produits qui simplifient et accélèrent la préparation des repas vont continuer à prendre une grande place dans les habitudes des consommateurs et garnir leur garde-manger.

Un peu comme pour les tablettes de chocolat et les croustilles, je pense que ce sera dans la modulation des quantités et des emballages que vous devrez aider les consommateurs à combattre cette inflation, qui ne risque pas de se rétablir de sitôt ! Beaucoup d’éducation et de sensibilisation devront être faites pour contrer l’actuelle crise des prix.

Encore une fois, l’imagination, le savoir-faire et la débrouillardise seront le modèle d’affaires à privilégier au service des consommateurs.

Robert Dion, fondateur - éditeur
[email protected]

 
 

Jonathan Bélanger

Rassembler les producteurs

Spécialisé dans le web, cet amoureux du bien-manger a été créateur de sites mais aussi éleveur de canards avant de lancer la plateforme Maturin. Son objectif : accompagner les entreprises bioalimentaires d’ici dans la vente en ligne en leur offrant des services de mutualisation.

 
17 avril 2022 | Par Marie Pâris

Jonathan Bélanger a été élevé en apprenant à porter une attention particulière à ce qu’il mange. Sa mère privilégie les aliments sains, et son père, grand voyageur, ramène régulièrement des produits haut de gamme de l’étranger, lui faisant goûter à des truffes de France ou du caviar russe. « Aujourd’hui, c’est un hobby pour ma femme et moi de trouver le meilleur produit à cuisiner », confie l’entrepreneur.

Jeune webmestre, il fait de l’optimisation de sites web pendant son bac et trouve après ses études un emploi… dans une entreprise alimentaire. En tant que coordinateur des affaires pour la pâtisserie Les Moulins La Fayette – Boulangerie Pagé à Saint-Sauveur, il a notamment la responsabilité de calculer le prix de revient des produits. « Je leur ai aussi fait un site web ; à l’époque, ils n’avaient pas de mission ni de vision. À la fin de l’été, ils m’ont proposé de rester avec eux à temps partiel pendant ma maîtrise, raconte Jonathan. Finalement, ils m’ont gardé six ans. »

Le jeune homme est ensuite chargé d’identifier des produits complémentaires qui pourraient être ajoutés à la boulangerie – par exemple une confiture à vendre en même temps qu’un pain. Il va donc voir de gros distributeurs, comme Farinex et Rudolph. Or, ces derniers offrent surtout des produits français. Jonathan apprend alors que la municipalité de Val-David accueille un marché public, où il trouve à son grand bonheur des produits régionaux. Il en ramène ainsi quelques-uns pour les intégrer aux tablettes de la pâtisserie. En 2005, il crée l’entreprise Marketerre, pour offrir en paniers corporatifs les produits régionaux qui n’intéressent pas son employeur.

Crédit photo : Simon Caya
Crédit photo : Simon Caya

« Un besoin généralisé »

Mais celui qui a grandi sur un terrain où couraient les volailles ressent l’appel de la terre. Jonathan et sa conjointe louent donc une ferme à Mirabel, où ils font l’élevage de canards. « En 2005, je trouvais qu’il y avait déjà un intérêt pour les produits du canard », explique l’entrepreneur. En tout, 28 de ses produits se retrouvent dans la grande distribution, entre IGA, Metro et Provigo. Plus tard, lorsqu’il vend son entreprise, il se lance à nouveau dans la création de sites web et la stratégie numérique. Mais alors que naît son premier enfant, Jonathan cherche une façon de pouvoir consommer comme au marché public toute l’année, en délaissant le supermarché.

« Je faisais mon épicerie sur 22 sites de fermes différents ; ça n’avait pas d’allure ! J’ai donc vu le besoin de rassembler cette offre sur une plateforme pour avoir une seule transaction, se souvient-il. Et puis, l’idée de la ferme était toujours là… Mais on s’est dit que si on voulait faire de l’argent, il faudrait augmenter nos ventes directes et avoir plus de circuits courts. On a donc décidé de vendre en ligne. On est allés proposer à nos voisins de ferme de vendre aussi sur notre site. On a alors constaté que le besoin était généralisé, non pas juste pour de la vente, mais aussi pour des services de logistique. »

En 2017, il fonde donc Maturin, une plateforme de vente de produits régionaux en ligne qui assure aussi un service de mutualisation de la logistique (gestion des stocks, réception, entrepôt, préparation de commandes, livraison, etc.). Maturin veut se positionner comme « la meilleure épicerie 100 % locale en circuits courts sans intermédiaire », pour donner aux producteurs locaux un accès à un marché plus vaste et aux familles une offre complète pour manger plus sainement à la maison. « Les grandes surfaces ont beau dire qu’elles ont des produits locaux, il faut les chercher. Et ensuite, ce sont des produits industriels, mentionne Jonathan. Au moins, quand tu manges des produits Maturin, ça goûte vraiment le terroir ! »

Installée à Longueuil, son entreprise d’une vingtaine d’employés a en outre une entente avec Colabor pour vendre également ses produits aux restaurateurs. Maturin n’a pas de magasin, mais compte plusieurs points de cueillette où les clients peuvent aller récupérer leurs commandes. « Encore aujourd’hui, on est les seuls à faire ce qu’on fait, même si beaucoup ont essayé pendant la pandémie. C’est complexe, car c’est de la microtransaction », explique l’entrepreneur. Maturin travaille aujourd’hui avec près de 600 producteurs-transformateurs, dont la plupart sont « de petits producteurs exclusifs et difficiles à trouver » et ne voient pas leur production distribuée en grandes surfaces. « Va trouver de l’émeu à l’IGA… »

 
 

Sous la serre

Les ventes de fruits et légumes de serre sont passées de 146 M$ en 2019 à 159 M$ en 2020, selon Statistique Canada. « C’est quand même une croissance de près de 10 % en une année ! Et l’on s’attend à atteindre les 175 M$ de valeur de production en 2021 », déclare Claude Laniel, directeur général des Producteurs en serre du Québec.

 
17 avril 2022 | Par Sophie Poisson

Dans la province, la production en serre concerne principalement la laitue, la tomate, le concombre et le poivron. « Elle va être dominante dans le marché pour plusieurs raisons : il y a une certaine limite de croissance des superficies qu’on peut utiliser en production de champs, de plus en plus de compétition avec les villes ou le développement urbain, et de plus en plus de diversification – par exemple des haricots et des aubergines », détaille le gestionnaire. Son avis est partagé par Marie-Josée Daguerre, copropriétaire des Jardins de la Pinède à Oka, où 75 % de la production de la prochaine année se fera en serre et le reste, en champ. La tendance devrait se poursuivre, d’autant plus qu’elle a investi 4 M$ dans la construction d’un complexe de serre quatre saisons. « Comme on nourrit les mêmes personnes toute l’année avec nos paniers biologiques, on veut avoir une diversité dans l’assiette. Des plants en serre produisent beaucoup plus de fruits, et il y a une stabilité dans la production, donc un meilleur rendement », explique la productrice.

Fines herbes, micropousses, concombres, tomates, champignons, laitues, fraises : l’Épicerie Les Emplettes à Montréal, qui a ouvert en novembre dernier, a déjà 20 % de ses fruits et légumes qui proviennent de serres. « En général, l’offre compte plus de produits de champs parce que l’hiver, au Québec, il faut beaucoup s’approvisionner aux États-Unis, justifie la propriétaire Laurence Lechasseur Paquet. Si on se limite aux produits québécois, à part les légumes racines, c’est beaucoup de serre. »

Crédit photo : Les jardins de la pinède
Crédit photo : Les jardins de la pinède

Prendre goût à la serre

Les nappes phréatiques qui se vident en Californie et les feux de forêt vont entraîner des enjeux d’approvisionnement. La serre offre donc l’avantage d’acheter localement et d’accéder aux produits à longueur d’année. « Il y a une constance avec les produits de serre qu’il n’y a pas avec les produits des champs qui viennent d’ailleurs. Je n’ai jamais eu de problème à avoir des concombres, des tomates ou des laitues de serres québécoises, tandis que les brocolis, choux-fleurs ou bananes ne sont pas tout le temps disponibles à cause du prix du carburant. De plus, ça n’arrive pas toujours en bon état, et certains camions restent pris aux douanes. » Pour encourager la clientèle de l’épicerie à acheter local, la provenance est affichée en grand, et les marges prises sont moindres que dans le cas des produits venus d’ailleurs. « En hiver, je priorise les légumes de serre, et en été je privilégie ce qui est moins énergivore. Un fruit qui sort du champ d’été, plutôt que d’une serre, est gorgé de soleil. Mais nos tomates ou nos carottes de serre restent d’excellents vendeurs : énormes et belles, avec une très longue conservation », affirme Laurence Lechasseur Paquet.

« Tous nos plants sont en plein sol ; c’est la même chose que si on produisait en champ, rétorque pour sa part Marie-Josée Daguerre. La fraise qu’on produit dans notre serre est donc aussi bonne ! » Les Jardins de la Pinède approvisionnent une quinzaine de petites épiceries biologiques par semaine. La copropriétaire les livre en très petites quantités, mais trois fois par semaine pour assurer fraîcheur et qualité. « Ce qui compte pour moi, c’est de choisir des cultivars à saveur extraordinaire et de récolter le fruit quand il est à maturité parfaite. On veut que le sucre se soit vraiment développé dans le plant pour réussir à avoir un effet wow », s’enthousiasme-t-elle. La période de conservation de ses produits est donc plus courte que chez la plupart des autres producteurs.

Marie-Josée Daguerre profite de la proximité de ses clients pour s’entretenir plusieurs fois par semaine avec leurs responsables des fruits et légumes : « Je leur transmets des informations de conservation et je leur parle des différences entre nos variétés ou encore de nos nouveautés, pour qu’ils puissent ensuite le faire avec leurs clients. » De son côté, elle a dû s’approvisionner auprès d’autres producteurs cet hiver pour compléter ses paniers biologiques à cause des délais de construction de son complexe de serre : « Tant que ce sont des produits biologiques qui proviennent des environs, je ne prête pas attention au fait qu’ils soient cultivés en champ ou en serre ! »

Crédit photo : Les jardins de la pinède

Manger local, mais à quel prix ?

Vyckie Vaillancourt, fondatrice d’O’Citrus à Laval, produit quant à elle des agrumes de serre : yuzu, main de Bouddha, lime kaffir, kumquat, sudachi, calamondin, citron caviar, bergamote… « De grands chefs à Montréal, y compris des Japonais, me confirment que le goût est le même que les produits cultivés en champ. Ce sont plutôt les propriétés de la plante qui sont différentes. » Selon elle, la durée de vie d’un arbre en champ au Japon est plus longue parce que la terre est toujours nourrie avec de nouveaux nutriments, alors que, dans sa serre, les racines sont en pot.

O’Citrus compte 120 arbres, dont la productivité varie en fonction de l’âge. Il faut en général attendre sept ans pour qu’ils produisent leurs premiers fruits, ce qui survient ensuite une fois par an, à l’automne. Son meilleur vendeur, le yuzu, lui donne annuellement 80 kilos. « Ça crée un effet de rareté et ça en fait un événement annuel. Mes produits sont vendus d’avance », se réjouit Vyckie Vaillancourt. Elle a sélectionné ses agrumes pour leur très forte valeur de revente : « J’aurais pu choisir une orange traditionnelle, mais je n’en produis pas parce que ce ne serait pas assez rentable, fait remarquer la fondatrice. Les oranges des États-Unis, du Maroc ou du Mexique se vendent à un prix très faible alors que je dois vendre les miennes plus cher à cause du chauffage nécessaire en hiver. Le yuzu, je le vends au prix que je juge bon parce qu’il n’y en a absolument pas sur le marché. » Elle s’est toutefois fiée aux prix des concentrés du Japon, la seule forme de yuzu présente sur les tablettes québécoises.

À l’Épicerie Les Emplettes, on commande d’abord des produits aussi locaux que possible, puis de saison, puis biologiques, et – quand aucun de ces critères n’est présent – en vrac. Sa propriétaire précise que le prix des produits entre dans l’équation : « La clientèle y est très sensible ! insiste Laurence Lechasseur Paquet. Les fraises de serre du Québec en hiver coûtent entre 8 $ et 9 $ la barquette, comparativement à celles de Californie qui sont affichées à 3 $ ou 4 $. On l’a essayé, et ça reste un léger frein ; donc je privilégie la saisonnalité. »

Le directeur général des Producteurs en serre du Québec, Claude Laniel, reconnaît que les prix des produits en serre peuvent être plus élevés, mais il considère que la qualité est supérieure. « Le deuxième élément, et peut-être même le premier, est que les clients achètent les produits frais avec les yeux. Ils vont choisir une tomate qui leur semble la plus parfaite possible. Or, il y a très peu de produits moches dans les produits de serre. »

Un environnement contrôlé

La production en serre permet en effet de contrôler la plupart des paramètres, comme l’éclairage, la température et l’humidité. A contrario, dans un champ – s’il y a un coup de chaleur, par exemple –, les tomates vont mûrir beaucoup plus rapidement, et leur durée de conservation en sera réduite. Claude Laniel remarque beaucoup d’évolution du côté de l’énergie utilisée ces 5 à 10 dernières années, dont l’utilisation de la biomasse – des résidus de bois que l’on peut brûler pour le chauffage. « Ce qui a le plus évolué ces trois dernières années, c’est l’utilisation de l’électricité, notamment pour l’éclairage de photosynthèse, constate-t-il. On a obtenu auprès d’Hydro-Québec des tarifs qui sont somme toute raisonnables, permettant de développer la production en utilisant une source d’énergie propre et renouvelable. »

Il note aussi l’arrivée de la robotisation – tant pour la récolte des produits que pour le classement ou encore l’emballage –, davantage propice à la production de serre puisqu’elle se fait dans un bâtiment fermé, avec des cultures souvent spécialisées. « On sait que la main-d’œuvre est le principal coût en serriculture – de 30 % à 35 % – et qu’elle est de plus en plus rare », indique Claude Laniel. L’utilisation de pesticides serait aussi à la baisse pour privilégier des éléments naturels, comme les prédateurs, pour les ravageurs de cultures ou encore les maladies. Par exemple, la coccinelle est utilisée contre les pucerons.

O’Citrus utilise des lumières DEL de Sollum Technologies, qui lui permettent d’imiter le soleil du Japon pour apporter à ses arbres le même nombre d’heures d’ensoleillement que ce qu’ils reçoivent normalement dans leur état naturel. « Comparativement à l’empreinte écologique d’un agrume venu du Japon, celle que j’ai au Québec est beaucoup moins importante, complète Vyckie Vaillancourt. Autre volet qui n’est pas à négliger : l’économie locale. Je fais par exemple affaire avec des compagnies québécoises pour la plupart de mes intrants, comme l’engrais et les pots. »

Crédit photo : Épicerie Les empelettes

Une forte concurrence

Claude Laniel souligne que les produits de serre ne sont pas propices à la transformation, contrairement à ceux des champs. Il donne l’exemple de l’entreprise de ketchup Heinz, à Montréal, qui importe de Californie des tomates de champ ; les producteurs en serre ralentissent leur production l’été pour laisser la place à ceux des champs, en toute complémentarité. Cet avis n’est pas partagé par la propriétaire des Jardins de la Pinède : « Il y a de la concurrence entre nous quand l’abondance est au rendez-vous. Tout le monde a besoin de vendre ce qu’il produit. Quand l’offre est trop importante, les prix sont malheureusement réduits, donc il peut y avoir des fluctuations. Et ça ne vient pas juste du voisin, mais aussi des produits importés ! »

Pour Claude Laniel, la forte concurrence serait justement du côté des serriculteurs d’ailleurs, principalement du Mexique et de l’Ontario. Cette dernière réalisait en 2020 les deux tiers des ventes totales de production de fruits et légumes de serre du pays, selon Statistique Canada. « Lorsque le pont Ambassadeur a été fermé, la production ontarienne, majoritairement exportée aux États-Unis, s’est retrouvée sur le marché montréalais, donne en exemple Claude Laniel. On ne peut pas conserver une tomate très longtemps. Donc aussitôt qu’il y a des soubresauts, à la frontière ou dans le commerce international, la production se retrouve dans notre métropole à un prix assez bas… »

 
 

Épicerie en ligne

Une menace pour les commerces physiques ?

Supermarchés qui offrent la commande et la livraison à distance, marchés en ligne uniquement, services de prêt-à-cuisiner ou de prêt-à-manger livré à la porte : les commandes d’aliments en ligne sont en vogue, particulièrement depuis la pandémie. Épiceries et commerces locaux se feront-ils délaisser au profit du virtuel ?

 
17 avril 2022 | Par Gabrielle Brassard-Lecours

La commande en ligne et la livraison d’épicerie à domicile sont présentes depuis plus de 30 ans aux États-Unis. Elles existaient un peu au Canada avant la pandémie, mais cette dernière a largement contribué à son essor. Aujourd’hui, toutes les grandes épiceries canadiennes et québécoises offrent la possibilité de faire ses emplettes en ligne et sont en concurrence les unes avec les autres. Elles doivent rivaliser de créativité pour maintenir la tendance et répondre à la demande.

Selon la firme d’étude de marché Research and Markets, l’épicerie en ligne a généré, à l’échelle globale, 134998 milliards $ US en 2019. Amazon, Walmart et Loblaws sont à la tête des joueurs qui dominent les parts de marché de ce secteur au Québec. Pourtant, bien que la demande ait mondialement augmentée pour ce genre de services et que plus de 80 % de la population achète tous les types de produits en ligne, les détaillants alimentaires au Québec ne génèrent que 12 % de leurs ventes de cette façon. Avant la pandémie, seulement 36 % des détaillants réalisaient des ventes en ligne.

« Au Québec, IGA offrait déjà son commerce en ligne avant la pandémie, mais plusieurs autres n’en avaient pas encore. Metro avait à peine commencé. Le contexte mondial a fait exploser la demande – tellement que plusieurs détaillants ne sont pas capables d’y suffire et ont dû revoir rapidement leur modèle d’affaires pour s’adapter », explique Denis Gendron, consultant dans le domaine de la vente au détail, secteur alimentation. Deux ans plus tard, les grands détaillants ont cependant pris la cadence : Metro vient d’ouvrir un tout nouveau centre d’assemblage consacré aux commandes en ligne, IGA a créé un service robotisé, et Walmart Canada s’est doté de la plateforme numérique Foodmaestro, qui permet d’améliorer l’expérience en ligne de la clientèle et dessert les détaillants partout en Europe et en Amérique du Nord.

Malgré toutes ces initiatives, « le commerce en ligne dans le domaine n’a pas encore pris le dessus sur le service en personne. Ce n’est pas équivalent en matière de chiffres d’affaires. Plusieurs personnes préfèrent encore faire la sélection de leurs aliments elles-mêmes », affirme Denis Gendron. Il rappelle que, avant l’explosion de l’épicerie en ligne qui a forcé certaines personnes à avoir recours à cette option en période de confinement complet, beaucoup de consommateurs n’avaient pas confiance en la qualité des aliments commandés en ligne et n’aimaient pas l’idée de laisser à des inconnus le soin de choisir pour eux. C’est aujourd’hui le contraire, car plusieurs détaillants misent principalement sur la qualité et la fraîcheur des aliments commandés de chez soi.

Crédit photo : Marii Photographe

Contribuer à un autre système alimentaire

Un autre type de services dans le domaine alimentaire a connu une très grande croissance, notamment grâce à la pandémie : les boîtes d’aliments livrées directement à la porte, provenant des agriculteurs ou de fournisseurs, ainsi que le prêt-à-manger et le prêt-à-cuisiner. Les HelloFresh, Goodfood et Cook it ont ainsi vu leur croissance décupler très rapidement pendant la pandémie. C’est notamment le cas de Cook it : au printemps 2020, l’entreprise de Montréal est passée de 3000 boîtes livrées par semaine à environ 13000. « Nous avons dû nous adapter très rapidement et revoir nos stratégies pour fournir à la demande », explique Maude Samson, responsable des communications et des affaires corporatives de Cook it.

Même chose du côté des fermes Lufa. L’entreprise d’agriculture urbaine est passée de 12000 boîtes livrées de façon hebdomadaire à 30000 pendant la pandémie, ajoutant à son service la livraison à domicile alors que seuls des points de chute à proximité des demeures étaient auparavant disponibles. « Ça a pris de l’ajustement, et nous avons eu quelques ratés avant de trouver une vitesse de croisière permettant de répondre à la demande. Toute l’équipe a mis la main à la pâte et a travaillé de longues heures durant la pandémie. Nous ne voulions pas laisser les gens tomber, confie Loïc Philibert-Ayotte, coordonnateur des relations publiques de Lufa. Il y a un aspect pratique au fait qu’on offre la livraison, mais ce n’est pas central à notre mission, à ce qu’on tente de faire. »

Crédit photo : Fermes Lufa

Pour Cook it aussi, il ne s’agit pas que d’un simple service, mais bien d’une manière de concevoir la chaîne alimentaire et le rapport aux aliments des consommateurs. « Notre objectif principal, c’est de contribuer à un meilleur système alimentaire en misant sur l’agriculture urbaine et sur des partenariats avec des producteurs locaux et responsables ; on croit vraiment qu’il y aura de plus en plus de demande en ce sens », ajoute Loïc Philibert-Ayotte. Même les aliments que Lufa ne cultive pas ici ou ne peut se procurer localement, comme les agrumes, les bananes ou les avocats, proviennent de producteurs étrangers équitables et responsables.

Si un service comme Goodfood trouve sa plus-value dans la rapidité de livraison (30 minutes), Cook it mise plutôt sur des valeurs à saveur locale. « Nous commandons en circuit court auprès de fournisseurs locaux, et jamais plus de six semaines à l’avance selon la demande. Cela évite le gaspillage et permet à la clientèle de bénéficier des aliments saisonniers », détaille Maude Samson. La gestionnaire soutient que, comparativement à la chaîne alimentaire traditionnelle qui accuse quelque 30 % et plus en pertes alimentaires, Cook it n’en subit qu’en moyenne de 1 % à 2 %, notamment grâce au don de ses produits invendus.

« Notre équipe d’acheteurs travaille étroitement avec les fournisseurs, et on retrouve un minimum de 50 % de produits locaux dans chaque boîte – davantage en été en raison des produits saisonniers », affirme Maude Samson. Cook it mise beaucoup sur son nouveau service de prêt-à-manger pour la prochaine année ; l’entreprise se voit comme une offre complémentaire et adaptée aux besoins d’un certain mode de vie. « Ayant moi-même travaillé dans le milieu de la restauration durant une dizaine d’années, je ressens encore un attachement envers ce domaine avec qui Cook it partage la volonté de faire découvrir les plaisirs de la table, confie la présidente et cofondatrice de Cook it, Judith Fetzer. Il est essentiel pour nous de faire rayonner les talents d’ici, par exemple à l’aide de partenariats stratégiques avec des restaurateurs et des producteurs locaux. »

Une tout autre clientèle

D’après Denis Gendron, ce genre de services ne fait pas nécessairement concurrence aux épiceries physiques ni aux petits commerces locaux et indépendants, uniques eux aussi par leur offre de produits originaux et par la proximité développée avec leur clientèle. « Les services comme HelloFresh ne s’adressent pas du tout au même public que celui qui va dans les épiceries. Il s’agit de gens souvent plus jeunes, plus occupés, qui ne veulent pas prendre le temps de se rendre dans une épicerie et qui sont ouverts à la nouveauté, aux découvertes alimentaires, à cuisiner de nouvelles recettes », affirme l’expert, qui soutient cependant qu’ils sont plutôt une menace pour les restaurants.

D’après une étude de la firme Statista, les commandes en ligne au Canada ne représentaient que 2,9 % de tous les autres types d’achats faits virtuellement en 2020. La pandémie a démontré que les détaillants québécois, en retard sur les autres provinces canadiennes en termes d’offres virtuelles, doivent prendre un important virage numérique pour rester dans la mêlée. L’Association québécoise des technologies (AQT) et l’École des entrepreneurs de Québec (ÉET) ont d’ailleurs mis en place l’initiative Mon commerce en ligne, qui vise à accompagner les détaillants désireux d’augmenter leurs ventes grâce au numérique.

Mais tranquillement, les commerces locaux offrent eux aussi de plus en plus de services en ligne. C’est par exemple le cas de La Tablée du Lac, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui a lancé sa boucherie en ligne. Et de nombreux autres commerces du genre lui emboîtent le pas.

Crédit photo : Fermes Lufa
 
 

Farines : Le grand questionnement

Alors que l’offre en farines n’a jamais été aussi diversifiée sur les marchés québécois du détail et du gros, plusieurs facteurs comme l’inflation galopante et le conflit armé en Europe pourraient changer la donne. Coup de projecteur sur un secteur d’activité au développement aussi majeur que mouvant.

 
17 avril 2022 | Par Sophie Ginoux
Crédit photo : Depositphotos

Pendant des dizaines d’années, la production et la vente de farines au Québec s’est bornée à quelques classiques : la farine de blé ou de blé entier tout usage, ainsi que la farine de blé à pâtisserie. Les professionnels (boulangers, pâtissiers et restaurateurs) disposaient d’un peu plus de choix, comme de la farine de seigle, de sarrasin et de maïs, mais il aurait été impossible d’imaginer la prolifération de produits aujourd’hui constatée sur le marché. La meunerie biologique La Milanaise dispose à elle seule d’une soixantaine de produits au détail distribués dans des marchés de produits naturels (Avril, Tau) et des épiceries (IGA, Metro, Provigo, Super C, Maxi, etc.), en plus d’une centaine pour les professionnels, dont des boulangeries bien connues comme Première Moisson, St-Méthode et Mamie Clafoutis. « Nous disposons maintenant de deux moulins et travaillons avec 273 agriculteurs », précise Alexandrine Paradis, coordonnatrice marketing de cette entreprise née en 1982. La production de farines biologiques de blé, mais aussi de spécialité – épeautre, maïs, seigle, khorasan (aussi appelé kamut), sarrasin, avoine, orge et riz brun – a pris de plus en plus d’ampleur depuis quelques années, dans un marché de consommateurs toujours plus friands d’options gustatives, de substituts santé au gluten et de protéines végétales.

Benoit Dussault, représentant au Québec de la compagnie Ardent Mills, principal fournisseur de farines des professionnels en Amérique du Nord qui compte 40 moulins et un catalogue de produits très étoffé, le confirme : « En tant que grand producteur et transformateur de blé, nous n’aurions jamais pensé investir dans le sans gluten. Mais nous avons compris qu’il était nécessaire de nous ouvrir à ce marché, qui grandit d’année en année. Nous proposons donc maintenant une gamme de farines d’avoine, ainsi que d’autres à base de grains anciens comme le quinoa, l’amarante, le sarrasin, le teff et le millet, qui contiennent des quantités élevées de fibres, d’acides gras oméga-3, d’antioxydants et de vitamines, en plus de saveurs et de textures spécifiques. »

Outre la demande croissante en farines biologiques ou à base de différents grains, des produits visant certaines spécialités culinaires ont vu le jour. Sur le marché du détail, on peut notamment penser aux mélanges de farines à crêpes, à gaufres, à pain et à pizza, ces deux dernières étant devenues très populaires depuis le retour dans les cuisines entraîné par les confinements successifs. « C’est simple : nous ne faisons plus une, mais trois livraisons par semaine de farine à pain… et les étagères sont régulièrement vides ! raconte Alexandrine Paradis. C’est un gros vendeur. » Du côté des professionnels, la demande s’est également accrue en farines à pain, à pâtisserie, à pizza ou sur mesure, présentées en mélanges et granulométries variables.

Crédit photo : Depositphotos

Tendances fortes et modes passagères

Lorsqu’on constate la pléthore de choix proposés sur le marché du gros comme du détail, on peut se demander d’où provient cette offre et si elle est circonstancielle. Selon Sylvain Charlebois, professeur au Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie, « on a outillé des consommateurs plus connaisseurs, qui ont accès à beaucoup plus d’information qu’avant et qui ont acquis du pouvoir grâce aux réseaux sociaux ». Ce constat est appuyé par Alexandrine Paradis, avec toutefois une nuance : « Les besoins ont tout d’abord émergé chez les professionnels, puis des produits de détail ont été déclinés ». Effectivement, les artisans et les restaurateurs sont, par passion ou pour se distinguer, souvent les premiers à proposer des substituts à certains produits connus de tous. Il ne faut pas non plus sous-estimer l’impact croissant des nutritionnistes, du Guide alimentaire canadien et des régimes alimentaires alternatifs, dans notre société de plus en plus soucieuse de sa santé.

Il semblerait donc que, même si elles sont encore marginales sur un marché des ventes toujours dominé par la farine de blé traditionnelle, les farines biologiques et de grains anciens (sans ou avec une chaîne de gluten plus digeste) sont là pour de bon. Ce qui ne veut pas dire que les farines en général échappent aux effets de mode. « Si un livre paraît ou qu’une publicité met en avant de l’épeautre ou des pizzas, nous sommes à peu près sûrs d’avoir plus de commandes pour ces farines durant quelques semaines. Mais ça ne dure pas automatiquement, explique Alexandrine Paradis. Par contre, comme nous sommes très à l’écoute de notre clientèle, nous diversifions les grains et les procédés selon leurs besoins ; nous avons par exemple lancé l’an dernier une farine de petit épeautre en réponse à la demande d’épiciers. »

Un marché incertain

Même si le principe de la diversification des farines sur le marché semble entériné, leur succès est tributaire de plusieurs variables. À commencer par leur prix, qui a considérablement augmenté depuis deux ans. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en mars 2020, le boisseau de blé se négociait à peu près à 5 $ US… et il a doublé depuis. « Depuis le mois de janvier seulement, le coût de la farine de blé a grimpé de 12 %, et on pourrait assister d’ici la fin de l’année 2022 à des hausses supplémentaires de 10 à 15 %, indique Sylvain Charlebois. Nous vivons actuellement une situation unique qui va être déterminante en matière de consommation alimentaire. »

Cette situation historique est liée à différents facteurs, selon l’expert. Bien sûr, le conflit armé actuel entre la Russie et l’Ukraine, qui représentent à elles deux 25 % des exportations mondiales de blé, fait craindre une flambée des cours du boisseau de blé établis à l’international, en plus de famines dans certains pays africains. « Donc, même si le Canada n’a pas à redouter de manques, puisqu’il est le troisième producteur de blé au monde derrière la Russie et les États-Unis, la pression mondiale sur cette céréale va en faire gonfler le prix. »

Mais ce conflit européen n’explique pas tout. Les sécheresses dans l’Ouest canadien en 2021, les problèmes d’approvisionnement hérités de la pandémie et l’inflation généralisée, qui devrait faire grimper de près de 1000 $ le panier d’épicerie moyen des familles québécoises cette année, pourraient freiner les achats de farines et, plus globalement, ceux de pains chez des artisans. « L’inflation est le pire ennemi de la consommation, confirme Sylvain Charlebois. On voit déjà poindre sur le marché une tendance à la baisse du nombre de farines offertes. » Effectivement, les dernières prévisions de la bannière Loblaws ainsi que celles de Canada Bread, qui assure la production de 90 % des pains industriels vendus au Canada, indiquent une volonté de proposer moins de produits, d’augmenter les prix et de décourager les promotions.

Selon l’expert, cela ne signifie pas que toutes les farines de spécialité développées jusqu’à maintenant vont disparaître du marché. « Elles vont peut-être se retrouver dans des magasins spécialisés et sortir des épiceries traditionnelles, qui vont plus se concentrer sur des farines génériques et des marques privées. Mais comme ces mêmes épiceries représentent 87 % de la vente au détail, il est certain que leur succès et leur développement risquent d’en pâtir. »

Et qu’en sera-t-il des farines biologiques, bien implantées sur le marché ? « Pour l’instant, nous ne sommes pas touchés à La Milanaise comme le sont les minoteries conventionnelles, répond Alexandrine Paradis. La filière biologique pourrait d’ailleurs ressortir gagnante de la situation actuelle, puisque le prix des engrais a lui aussi bondi. Mais il est aussi possible que les agriculteurs avec lesquels nous travaillons, qui ont une entente annuelle avec nous, veuillent comme leurs voisins conventionnels vendre leur production plus cher. Tout est encore en suspens ; nous en saurons plus au cours des prochains mois… »

Crédit photo : Depositphotos
 
 

L’attraction des événements

Chez les détaillants alimentaires, les événements liés à la mise en marché ont des impacts à bien des niveaux, du personnel jusqu’à la clientèle. Si leur nombre a diminué durant la pandémie et que les concours ont été favorisés, une croissance se fait sentir de nouveau. « Les clients ont hâte de retrouver une vie normale, et il y a un engouement autour du retour des événements », s’enthousiasme Annie Paquette, directrice de Pasquier.

 
17 avril 2022 | Par Sophie Poisson

Les Marchés Famille Jasmin – organisation qui regroupe un IGA à Sainte-Adèle, un Bonichoix à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson et un IGA Extra à Saint-Sauveur – a eu un calendrier événementiel « très tranquille », ces deux dernières années. Le Bonichoix s’est toutefois démarqué l’an dernier en remportant le concours Aliments du Québec dans mon panier ! de l’Association des détaillants en alimentation du Québec (catégorie Commerce de proximité). En plus d’avoir installé un grand présentoir au centre du magasin avec des ballons bleus ou blancs ainsi qu’un drapeau du Québec, on a demandé au personnel de caisse de poser à chaque client la question suivante : « As-tu ta tarte ? ». La tarte au sucre à la crème de la Boulangerie St-Donat était ainsi mise de l’avant, et la boulangerie avait fourni à certains employés des vestes à son effigie. Le tout était accompagné d’une importante campagne de promotion sur les réseaux sociaux. « Des événements comme celui-ci nous permettent de mettre de la vie en magasin, de rendre les mises en marché encore plus attrayantes et de promouvoir les producteurs locaux », explique Mélissa Jasmin, copropriétaire et directrice des ressources humaines aux Marchés Famille Jasmin.

Pasquier invite pour sa part les équipes de tous ses rayons à participer aux événements. Pour Pâques, par exemple, l’ananas a été mis de l’avant du côté des fruits et légumes, le jambon côté boucherie, le fromage à l’ananas côté fromagerie et le jambon fumé côté charcuterie. « Le succès passe par la différenciation. On n’a donc pas le choix, comme magasin indépendant, de se différencier », explique Annie Paquette. Et l’épicerie a mis le paquet : installation d’une fermette avec un alpaga, des canards, des chèvres, des lapins et un mouton, mascottes de Pat’ Patrouille qui se déplacent dans le magasin, développement d’un beigne façon Coco Cadbury, concours… « Quitte à aller à l’épicerie, les clients vont participer à l’événement qu’on organise parce que ça fait une sortie en même temps ! se réjouit la directrice. Certains font un déplacement exprès : un concours est souvent rattaché aux événements, ce qui nous permet de sortir des statistiques, notamment de savoir d’où viennent nos clients. »

L’épicerie indépendante dispose d’une équipe de marketing interne composée de deux infographistes, d’une personne responsable de la communication et de la marque et en plus d’Annie Paquette qui chapeaute l’ensemble. Un calendrier événementiel est établi, et des rencontres stratégiques pour lui donner forme sont prévues. On vise tout autant à fidéliser les clients qu’à en attirer de nouveaux. Certains événements sont même propres à un magasin et transformés en rendez-vous hebdomadaires, comme les dégustations du chef IGA Extra Saint-Sauveur, qui se déroulaient tous les samedis avant la pandémie.

Au-delà du prix

Mélissa Jasmin fait un rapprochement entre la quantité utilisée lors de la mise en marché et le prix. « De manière générale, quand on montre un produit en grande quantité, les clients ont tendance à penser qu’on a obtenu un bon prix. En prévision d’un événement, on conclut souvent une entente avec notre fournisseur, qui nous fait bénéficier d’un prix avantageux dont on fait ensuite profiter notre clientèle. » Le matériel visuel prend également de l’importance avec les réseaux sociaux : « Les clients sont vraiment à l’ère de l’instagrammable. Donc, si on développe un produit tendance, ils sont au rendez-vous », complète Annie Paquette.

Metro Plus Châteauguay a pour sa part gagné le concours Aliments du Québec dans mon panier !, dans la catégorie J’aime les fruits et légumes du Québec. L’étalage, situé près de l’entrée du magasin, comptait 1200 pots de basilic frais des Herbes Gourmandes, qui formaient ensemble une fleur de lys. La propriétaire du magasin franchisé, Graziela Lorenzo, raconte que la taille du présentoir et son odeur attiraient les clients vers le produit, puis la présence d’employés qui présentaient ce dernier les amenait à s’attarder, voire à poser des questions, et l’effet de foule incitait d’autres clients à s’arrêter. Elle souligne l’importance d’avoir privilégié un producteur avec qui elle a un contact direct : « On travaille avec les Herbes Gourmandes depuis des années, avant même que le propriétaire actuel ne prenne ses fonctions. On connaît l’histoire de l’entreprise, qu’on a aussi visitée. De petite taille, elle emploie depuis longtemps les mêmes personnes, qui travaillent dur pour produire cette herbe très fragile. » Pour l’occasion, le producteur a donné des brochures et divers autres documents d’information, en plus de diffuser conseils d’entretien et recettes. Des étalages de produits complémentaires provenant d’autres producteurs étaient installés pour que les clients désireux de réaliser les recettes aient tout à portée de main.

« Cette année, on a des hausses de prix encore plus fortes que l’an passé, et en partant, les produits locaux sont parfois plus chers que ceux qui viennent d’ailleurs. Il faut donc les mettre de l’avant, insiste Graziela Lorenzo. Le produit local, je connais son histoire et je peux la transmettre ! » Cette information était d’autant plus importante pendant la pandémie, car les clients ne pouvaient pas faire de dégustations.

Crédit photo : Metro Plus Châteauguay
Crédit photo : Pasquier

Des retombées hors ventes

Des études sont menées avant, pendant et après chaque activité pour en estimer les retombées financières, qui varient d’une fois à l’autre. L’an dernier, le concours a permis au Bonichoix de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson de tripler ses ventes, et Pasquier a noté une hausse de 15 % à 20 % de son chiffre d’affaires dans la foulée de la présence du père Noël à l’entrée de son épicerie. « Relativement à certains produits, on va tout de suite voir une hausse des ventes ; pour d’autres, ça va prendre plus de temps, raconte Graziela Lorenzo. Mais on ne va pas mettre le produit de côté pour autant : on va donner la chance aux clients de revenir et de le retrouver, le temps que plus de gens l’essaient. »

Des bénéfices sont aussi notés du côté de son personnel : « Un événement est une activité qui sort de leur quotidien tant les clients que les employés. Le concours, par exemple, nous a permis de travailler ensemble, même à deux mètres de distance, et d’oublier l’anxiété liée à la pandémie le temps d’un montage. C’est aussi très mobilisant, pour un employé, lorsqu’il sait qu’il va pouvoir apporter une valeur ajoutée à l’expérience client. »

La copropriétaire des Marchés Famille Jasmin estime que les événements permettent de se démarquer : « On est des gens de cœur : on veut être présents dans la vie des gens et faire preuve d’entraide tant avec les autres commerçants que la ville, par exemple lorsqu’on participe à l’Oktobierfest de Sainte-Adèle. Sachant qu’on est en pénurie de main-d’œuvre, ça peut aussi en inciter certains à se dire “Je pourrais travailler à ce IGA, car ça a l’air plaisant, et ils font des activités.” On participe aussi au défilé de Saint-Sauveur, ce qui représente une activité de team building parce qu’on se rend tous sur place et on se déguise… »

Du côté des fournisseurs, l’événementiel permet aussi de favoriser les échanges et peut déboucher sur un traitement prioritaire lorsqu’apparaissent des produits développés en petits lots ou des nouveautés. Pour les 20 ans de son IGA de Sainte-Adèle, Mélissa Jasmin a même collaboré avec la microbrasserie de Prévost, Shawbridge, afin de créer la bière La Blanche des Jasmin. Elle a aussi rassemblé différents kiosques comme Sushi à la maison, organisé un spectacle et installé des jeux gonflables ainsi qu’une ferme miniature dans son terrain de stationnement. « Après la pandémie, on fera autant d’événements qu’avant, si possible. On y va aléatoirement, selon les occasions qui s’offrent à nous. Ça varie donc toujours d’une année à l’autre », fait savoir la copropriétaire. « Il n’y a pas de limites pour créer un événement ; la limite, c’est toi ! conclut Graziela Lorenzo. Je suis très gourmande avec mes montages, parce que je veux qu’ils soient les plus beaux, ce qui implique de respecter le produit en tout temps. » Pour le concours, par exemple, elle s’est assurée d’avoir une bonne aération et a tourné ses 1200 pots de basilic tous les jours pour qu’ils bénéficient d’une bonne exposition à la lumière. « Ça prend beaucoup de temps, mais le produit reste beau ; alors tu sais que tu vas le vendre ! »

 
 

Nouveaux produits

 
17 avril 2022

Qui dit pâques, dit chocolat

Bleuet Royal lance ses collations VeriFruit

Dans la lignée des chocolats des Pères Trappistes, l’entreprise Bleuet Royal sort VeriFruit, une gamme de fruits enrobés de chocolat noir. Cette compagnie de Metabetchouan-Lac-à-la-Croix, au Lac-Saint-Jean, prépare ses produits à partir de fruits frais enrobés de chocolat noir (57%), qui sont ensuite conservés au congélateur. La gamme actuelle comprend des bleuets sauvages, des framboises et des fraises enrobés de chocolat noir.

VeriFruit est la propriété de la famille Plourde, native d’Albanel au nord du Lac-Saint-Jean, qui a fait l’acquisition de sa première bleuetière en 2014. Dès l’année suivante, les frères Johnny et David, accompagnés de leur père Jean-Claude, fondent l’entreprise Bleuet Royal et concentrent leurs activités commerciales à la récolte et la distribution de bleuets sauvages frais.

Aujourd’hui, Bleuet Royal distribue dans plus de 300 points de vente au Québec de juillet à septembre. C’est en 2021 que la division VeriFruit a vu le jour, dans le but de créer de nouveaux produits. Les gâteries de VeriFruit sont disponibles à travers le Québec dans la section des surgelés des marchés d’alimentation Metro.

Kétolat élargit son offre

L’entreprise de confection de chocolats Kétolat, basée à Saint-Hyacinthe, offre à présent des chocolats contenant du lait ; depuis sa création en 2019, elle proposait exclusivement des produits végétaliens. La compagnie explique vouloir « varier son offre et explorer différentes saveurs et textures ». Tous ses chocolats sont confectionnés avec des ingrédients biologiques, sans gluten et sans sucre. « La marque permet donc toujours à différentes personnes de se régaler, qu’on soit cœliaque, diabétique ou végétalien », indique Kétolat.

L’offre de Pâques comporte ainsi des créations au chocolat noir, blanc ou lait, ou encore un mélange des trois. Les 12 chocolats se présentent sous forme de lapins, de poussins, de canards et de poules. Ils sont réunis dans une boîte inspirée des fermes Fisher Price, « qui ont certainement marqué l’enfance de plusieurs et visent à raviver le cœur d’enfant en tout un chacun ». Les fermes de Pâques Kétolat sont disponibles sur sa boutique en ligne.

Quand les restos arrivent en épicerie

Des crèmes glacées Tim Hortons sur les tablettes

La bannière Tim Hortons lance une gamme de cinq saveurs de crème glacée : Cappuccino glacé au caramel salé, Beigne double chocolat, Timbits gâteaux de fête, Beignet aux pommes et Explosion de fruits. Cette crème glacée est fabriquée au Canada en partenariat avec le producteur Shaw’s de Tillsonburg, en Ontario, et est faite à partir de produits laitiers canadiens.

« Tim Hortons est un goût bien-aimé du Canada depuis 1964 et nous sommes très heureux de réinventer certaines de nos saveurs les plus populaires en crèmes glacées », a déclaré Sourabh Malik, vice-président des produits de consommation courante chez Tim Hortons. La crème glacée est en vente dans les épiceries à l’échelle nationale, notamment chez Co-Op, Loblaws (Maxi, No-Frills, Real Canadian Super Store, Provigo, Loblaws Great Food, Fortinos et Your Independent Grocery), Longo’s, Metro (Ontario), Sobeys/Safeway et Walmart.

La crème glacée Tim Hortons étend la présence de la marque dans les épiceries, où les consommateurs peuvent déjà se procurer des soupes, des céréales pour le petit-déjeuner, des barres granola et des cafés et autres boissons chaudes à préparer à la maison.

St-Hubert sort deux tartes au sucre

La chaîne de restaurants St-Hubert a annoncé l’arrivée dans la section boulangerie de plusieurs épiceries de deux saveurs de tartes au sucre, l’une au sucre à la crème et l’autre au sucre à l’ancienne. La tarte au sucre est intimement liée à l’histoire de St-Hubert : la tradition remonte en effet aux années 1950, quand la mère du fondateur les cuisinait pour les premiers clients.

La nouvelle tarte au sucre à la crème, de 685g, est faite de deux croûtes sucrées et vanillées qui enveloppent un mélange de cassonade et de crème 35 %. Sa consœur, la tarte au sucre à l’ancienne (600g), comporte un mélange légèrement croquant de cassonade et de crème 18 % qui est laissé à découvert. Une pâte vanillée porte la garniture. Les deux tartes, qui ne comportent ni arôme ou colorant artificiel, sont à réchauffer quelques minutes avant d’être servies.

Certifiées Aliments préparés au Québec, les tartes sont cuisinées à l’usine St-Hubert de Boisbriand, dans les Basses-Laurentides, et distribuées par les centres de de l’entreprise. Ces deux nouveaux produits seront disponibles toute l’année. Des ententes de distribution en épicerie ont été faites avec Provigo, Maxi, Axep, L’Intermarché (Loblaws Companies Ltd.) et Pasquier. D’autres chaînes pourraient suivre.

 
 

Vive la viande

La dextérité, l’entregent et le service à la clientèle sont des qualités importantes du boucher. En tant qu’ambassadeur du rayon de la boucherie, il expose les pièces de viande, donne des trucs de cuisson et des recettes aux clients en plus d’offrir une expérience personnalisée à la clientèle.

 
17 avril 2022 | Par CSMOCA
Crédit photo : Depositphotos

BOUCHER/BOUCHÈRE

Tâches
Les tâches ci-dessous peuvent varier en fonction du commerce (marchés d’alimentation, magasins spécialisés) et selon l’expérience de l’employé. Ainsi, le boucher accomplit une partie ou l’ensemble des tâches suivantes :

  • Couper, parer et préparer des coupes régulières de viande et de volaille pour la vente à des comptoirs libre-service ou selon les directives de la clientèle ;
  • Hacher les viandes crues et trancher les viandes cuites à l’aide de hachoirs électriques et de machines à découper ;
  • Préparer des assortiments spéciaux de viande et de volaille pour l’étalage ;
  • Façonner et ficeler les rôtis et les autres viandes ainsi que les volailles et, à l’occasion, envelopper les viandes et les volailles préparées ;
  • Gérer les stocks, tenir le relevé des produits vendus et déterminer la quantité, la gamme et la fraîcheur des produits à présenter selon les exigences du commerce et de la clientèle ;
  • S’assurer que les conditions d’entreposage sont conformes ;
  • Superviser, s’il y a lieu, les commis de boucherie.

Gravir les échelons

  • Assistant gérant de boucherie ;
  • Gérant de boucherie ;
  • Propriétaire de boucherie.
Crédit photo : Depositphotos

COMMENT Y PARVENIR : LA FORMATION ET LE PAMT

Le PAMT est un mode d’apprentissage en milieu de travail. Il permet de former, en magasin, des employés qui désirent faire carrière dans le secteur de l’alimentation. Au moyen de ce mode d’apprentissage, l’apprenti apprend à maîtriser son métier sous la supervision d’une personne dont l’expertise est reconnue : le compagnon d’apprentissage.

La durée

  • Entre 12 et 24 mois selon le métier et les compétences de l’apprenti.

Le fonctionnement

  1. L’employeur s’inscrit dans une démarche auprès du centre local d’emploi (CLE) de sa région.
  2. Le compagnon met en pratique le guide du compagnon avec l’apprenti
  3. L’apprenti fait le suivi de ses apprentissage à l’aide du guide de l’apprenti
  4. Suivi de la transmission des connaissances en continu avec la collaboration d’une ressource du CLE
  5. À la fin du processus de formation, l’apprenti et le compagnon se verront décerner un certificat de qualification professionnelle du Ministère du Travail, de l’Emploi et de la solidarité sociale (MTESS).

Les outils

Carnet d’apprentissage

  • Ce carnet permet au compagnon de consigner toutes les compétences maîtrisées par l’apprenti, et ce, tout au long de la démarche d’apprentissage. Il sera le témoin de la progression de l’apprenti vers la maîtrise de l’ensemble des compétences de la profession. Cet outil est fourni lors de la signature de l’entente.

Guide sur la connaissance des produits développé par le CSMOCA

  • Les guides sont un moyen concret de transmettre à l’apprenti des notions de base sur le métier et le vocabulaire propre au métier, ainsi que de lui faire découvrir de nouveaux produits et leurs caractéristiques. Chaque PAMT a son propre guide du métier.
Crédit photo : Depositphotos

COMMIS À LA BOUCHERIE

Tâches

La productivité, l’entregent et la confiance en soi sont des qualités importantes du commis à la boucherie. Responsable de la présentation des produits, il doit s’assurer que son rayon est attrayant pour attirer le regard de la clientèle. De plus, en raison de la variété de pièces de viande proposées, le commis à la boucherie joue un rôle de conseiller important auprès de la clientèle.

Les tâches ci-dessous peuvent varier en fonction du commerce (marchés d’alimentation, magasins spécialisés) et selon l’expérience de l’employé. Ainsi, le ou la commis à la boucherie accomplit une partie ou l’ensemble des tâches suivantes :

  • Hacher, emballer, peser et étiqueter les viandes ;
  • Préparer des marinades et des légumes ;
  • Préparer les plateaux et les étiquettes pour le comptoir gourmet ;
  • Déterminer les besoins de réapprovisionnement à l’aide de la liste de production ;
  • Démonter les comptoirs de présentation ;
  • Procéder au nettoyage complet des comptoirs.

Gravir les échelons

  • Boucher
  • Assistant gérant de la boucherie ;
  • Gérant de la boucherie ;
  • Propriétaire d’une boucherie.

FORMATION COMMIS À LA BOUCHERIE

Une nouvelle version complètement revisitée et actualisée est maintenant disponible ! Cette formation en ligne développée pour les employés du département de la boucherie et pour tous ceux intéressés par ce métier.

À travers cette formation interactive, les participants découvrent le rôle du commis à la boucherie, ses tâches et ses responsabilités au quotidien. Ils apprendront à maîtriser des notions importantes telles que la connaissance des produits, des équipements et des outils de la boucherie, la tenue des comptoirs, la préparation des produits et le service à la clientèle.

Trois modules composent la nouvelle formation :

MODULE 1 : Bien connaître les produits de la boucherie
MODULE 2 : Assurer la bonne tenue des comptoirs
MODULE 3 : Assister le boucher dans la préparation des produits de la boucherie

Le CSMOCA, Comité sectoriel de main-d’œuvre du commerce de l’alimentation, participe au développement de la qualification de la main-d’œuvre du commerce de l’alimentation et trouve des solutions pour parfaire l’équilibre entre l’offre et la demande.

Le comité est un « allié précieux du gouvernement du Québec et autres partenaires pour la compréhension stratégique et opérationnelle du marché du travail ». Source : Les comités sectoriels : la force d’un réseau !

Le CSMOCA, Comité sectoriel de main-d’oeuvre du commerce de l’alimentation, participe au développement de la qualification de la main-d’oeuvre du commerce de l’alimentation et trouve des solutions pour parfaire l’équilibre entre l’offre et la demande.

Le comité est un « allié précieux du gouvernement du Québec et autres partenaires pour la compréhension stratégique et opérationnelle du marché du travail ». Source : Les comités sectoriels : la force d’un réseau !

 
 

Un peu d’histoire

Les marchés publics au Québec

L’histoire des marchés publics au Québec est aussi ancienne que la colonisation française. Lieu de commerce et d’échanges, le marché fera longtemps figure d’épicentre social et communautaire. Si, au fil des ans et au gré de l’évolution du tissu urbain, diverses halles et places de marché se font, se défont et se transforment sur le territoire québécois, leur fonction demeure remarquablement stable.

 
17 avril 2022 | Par Catherine Ferland, historienne

Dès la fondation de la ville de Québec, on s’empresse de reproduire en sol canadien cette véritable institution populaire des vieux pays. À Montréal, si la date exacte de fondation du premier marché demeure inconnue, il semble certain que la place publique accueille des activités marchandes vers 1660. Les premiers marchés se résument à une place ouverte, aménagée très sobrement par l’aplanissement du sol et la construction de un ou plusieurs hangars en bois. Les premières réglementations connues concernant les marchés publics (1676 pour Québec, 1706 pour Montréal) permettent aux cultivateurs de s’y rendre dès l’aube le mardi et le vendredi afin d’y installer leur marchandise.

Vieux marché de Montréal, près de la colonne Nelson. James Duncan, aquarelle et gouache, vers 1845
Royal Ontario Museum, 951.158.21. Domaine public

Les cloches de l’église signalent l’ouverture du marché, qui demeure actif jusqu’à 11 h. Pour éviter la flambée des prix et décourager les abus, il est interdit de vendre des denrées dans les maisons. On restreint aussi les possibilités aux intermédiaires, en favorisant la vente directe entre producteurs et consommateurs. Ainsi, il est défendu aux hôteliers et cabaretiers de s’approvisionner au marché avant 8 h, de manière à permettre aux habitants d’y aller en premier. Certains tenanciers essaient de contourner le règlement en se rendant directement au port pour « accueillir » les cultivateurs arrivant par barque… et se procurer directement des denrées, sans passer par le marché public.

Les marchés publics sont particulièrement achalandés au moment des récoltes, à l’automne. En effet, il s’agit du seul moment de l’année où les habitants des campagnes plus éloignées s’y rendent pour y écouler leurs surplus et, bien sûr, ils en profitent pour se procurer divers produits importés et objets manufacturés. Il en sera de même pratiquement tout au long des 17e et 18e siècles et pendant une bonne partie du 19e siècle.

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Vache, cochon, couvée... et légumes !

La viande, issue aussi bien de l’élevage que de la chasse, est très bien représentée. Les étals proposent du porc et du lard, du bœuf et du poulet provenant des fermes. Les amateurs de viande sauvage peuvent se procurer du castor, du lièvre, du cerf, de l’orignal, de la tourte... Signalons aussi la présence de nombreuses espèces de poissons, aliment indispensable pour une population largement catholique et désireuse de respecter les nombreux jours maigres du calendrier religieux. Dans plusieurs villes, on crée vers le milieu du 19e siècle des halles fermées et des sections séparées pour la viande et le poisson, afin de diminuer les odeurs et d’améliorer la salubrité.

Les fruits et les légumes sont toutefois les véritables champions des marchés publics. Choux, carottes, oignons, haricots, fèves, concombres, poireaux, laitues, navets, mais aussi herbes potagères et aromatiques telles que sarriette, ail, oseille, échalote, persil, ciboulette et cerfeuil composent l’essentiel des potagers jusqu’au 19e siècle, moment où s’y ajoutera la pomme de terre. La famille des courges est bien représentée. Les citadins peuvent se procurer une très belle variété de petits fruits tels que des fraises, framboises, bleuets et gadelles, ainsi que des noix. Fait intéressant, on observe une plus grande diversité dans les marchés de la plaine de Montréal que dans la région de Québec : ceci s’explique par des conditions plus propices à l’agriculture et à la cueillette grâce au climat légèrement plus chaud.

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Les produits transformés d’origine locale, comme le sucre d’érable, les confitures, les tartes et les pâtés, côtoient ceux qui proviennent d’ailleurs. En effet, les denrées importées, comme les agrumes confits, les figues, les olives et l’huile d’olive, le sucre, le vinaigre et bien sûr le vin et l’eau-de-vie, sont très appréciées. Après la Conquête, on trouvera une variété encore plus grande de produits importés, notamment des fromages et des bières anglaises.

Le marché public ne sert pas seulement à garnir la table. C’est aussi l’endroit où se procurer du foin et de la paille, nourriture essentielle pour les chevaux et le bétail, qui sont des forces de travail indispensables jusqu’à l’arrivée de l’automobile. On trouve donc des sections réservées à ce commerce, voire des halles ou marchés au foin autonomes dans toutes les villes (et certains gros villages) de la vallée du Saint-Laurent. Le bois de chauffage, indispensable pour alimenter les âtres et foyers, se vend aussi au marché. Enfin, on peut y acquérir divers produits manufacturés, notamment le tabac, dont les Canadiens sont réputés friands dès l’époque de la Nouvelle-France, ainsi que divers biens d’usage courant comme le tissu, les pièces vestimentaires (bas, fichus, chapeaux, chaussures), ainsi que des clous, outils, images pieuses, chapelets...

Les fonctions surprenantes du marché public

Bien campé sur la place publique des villes et gros villages, le marché est une sorte de forum pour les anciens Canadiens : on s’y rassemble pour discuter, échanger les dernières nouvelles, se fréquenter… Il s’agit, avec l’église paroissiale, du centre de la vie collective ! En plus de la vente de nourriture et de denrées, le marché public exerce plusieurs autres fonctions qui évoluent et se transforment au fil du temps. Ainsi, c’est le lieu par excellence pour communiquer diverses informations, par exemple les ordonnances et les édits du gouvernement, en placardant des affiches, mais aussi par l’entremise du crieur public, au son du tambour. C’est également au marché que l’on vend les animaux trouvés ainsi que les objets saisis par l’huissier.

On y voit aussi se produire occasionnellement des saltimbanques, jongleurs, marionnettistes et autres artistes. Le tout crée une ambiance très particulière, très vivante ! Mais c’est aussi sur la place publique que, jusqu’au 18e siècle, on exécute les sentences judiciaires : humiliation publique au carcan, marquage au fer rouge, peines de fouet et même pendaisons. D’ailleurs, les peines sont généralement infligées aux condamnés pendant les heures de marché, de manière à s’assurer que de très nombreuses personnes en sont témoins… et ainsi leur retirer toute envie de commettre des crimes.

Qu’en est-il aujourd’hui, en ce premier quart du 21e siècle ? Les épiceries à grande surface et les supermarchés, qui se sont multipliés entre 1900 et 1980, ont fini par retirer aux marchés publics leur monopole de l’approvisionnement, ce qui a bien failli signer l’arrêt de mort de ce type d’installations. Après avoir presque totalement disparu, les marchés publics font un retour en force au Québec. Nos installations actuelles permettent à des producteurs et artisans locaux de mettre leurs produits en valeur, au plus grand plaisir des consommateurs. Et l’engouement actuel pour les produits du terroir a permis aux marchés de redéfinir leur mission et de renouer avec leur rôle premier : la distribution de produits fermiers et la promotion du patrimoine alimentaire local.

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