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Crédit photo: Mickaël A. Bandassak

Patrice Pâtissier ferme après huit ans

4 mars 2022 | Par Sophie Poisson

Patrice Pâtissier, pâtisserie ouverte depuis huit ans dans l’arrondissement montréalais du Sud-Ouest, fermera ses portes à la fin de l’été. Le propriétaire en a fait l’annonce sur ses réseaux sociaux le 1er mars dernier : « Dans le contexte actuel, être propriétaire d’une petite entreprise au Québec est particulièrement difficile. Nous sommes fiers de l’avoir fait pendant plus de 8 ans, mais il est temps pour nous de relever de nouveaux défis. »

Le copropriétaire et pâtissier Patrice Demers avait ouvert la boutique avec sa conjointe Marie-Josée Beaudoin, sommelière de formation. Il avait passé près de 15 ans à travailler majoritairement dans des restaurants montréalais haut de gamme, dont Les Chèvres, Laloux et Les 400 Coups. « J’avais le goût d’un nouveau défi, de voir une facette du métier que je connaissais un peu moins : le côté boutique, raconte l’homme de 42 ans. Il y avait peu d’offres en pâtisserie haut de gamme et le secteur de la Petite-Bourgogne commençait à se revitaliser. »

À la boutique s’est ajoutée une salle de cours, où des ateliers de pâtisserie grand public sont organisés chaque semaine. Les lunchs et brunchs sont également au menu. « Ce qui nous intéressait à la base, c’était d’avoir un concept un peu hybride en réunissant notre passion pour la restauration avec le côté boutique, explique Patrice Demers. Avec les années, on a réalisé que chaque volet demandait beaucoup de temps, et rapidement on s’est concentrés sur ce qui fonctionnait le mieux. »

Une offre centrée sur les desserts

La pandémie l’a également incité à resserrer l’offre sur les desserts à emporter, qui représentent la raison pour laquelle les clients connaissent l’établissement et le plus gros volume du chiffre d’affaires. « Un côté de moi s’ennuie de la restauration, mais l’offre du midi restait quand même assez simple. Ayant travaillé dans un milieu gastronomique, j’étais à moitié comblé, et ce n’est pas non plus ce que je rêvais de faire au niveau du salé », commente le pâtissier.

La boutique en ligne, qui servait jusque-là uniquement pour les ateliers de pâtisserie et les bûches de Noël, a été étoffée avec l’ensemble des desserts de la semaine, que les clients peuvent commander dès le lundi. « Ça a été l’un de nos beaux succès. Chaque jour, près de 50 % des desserts sont réservés en ligne, donc on s’assure de certaines ventes et c’est plus facile de planifier la production. »

Une rentabilité très fragile

Au début, l’établissement était ouvert six jours par semaine. Après un an, les copropriétaires se sont aperçus que le rythme était intenable et sont passés à cinq jours. La pandémie, avec l’offre réduite, a permis de descendre à quatre jours, du jeudi au dimanche. « L’avantage d’une pâtisserie est qu’on ne perd pas de place assise en étant fermé une journée de plus par semaine, reconnaît Patrice Demers. On peut accueillir le même nombre de clients, et les ventes ne diminuent pas. » Il s’attend de plus en plus à voir les entreprises réduire leurs heures d’ouverture pour faire face au manque de main-d’œuvre, ce qui entraîne aussi de meilleures conditions de travail des employés. Pour sa part, il exerce toujours une journée de plus, mais avec un rythme moins soutenu le mercredi, pour faire de la mise en place, passer des commandes ou encore tester des recettes.

« C’est beaucoup plus équilibré qu’au départ, mais ça reste fragile, souffle le pâtissier. Je dois presque être tout le temps présent pour le fonctionnement de l’entreprise. » La seule possibilité qu’il entrevoit est d’engager un sous-chef, ce qui entraînerait par contre la perte de ses profits. « On trouve la rentabilité plus difficile dans notre boutique que dans un restaurant. Tout ce qu’on vend, à part les cafés, demande beaucoup de main-d’œuvre et de transformation », poursuit le pâtissier.

Il évoque pour les restaurateurs la possibilité de vendre de l’alcool, qui ne nécessite aucune transformation et peu de main-d’œuvre, et des desserts à 12-14 $ lorsque lui les affiche à 6,75 $. Il mise donc sur le volume et produit près de 4 000 pâtisseries par semaine. Il souligne aussi la hausse des prix qui touche particulièrement son domaine d’activité - notamment avec le prix du beurre, de la crème et, dans les dernières années, des noix et du chocolat.

Fermer en beauté

Le début de la pandémie a entraîné la fermeture de la boutique pendant trois semaines. « On a réalisé que notre passion première restait la restauration », affirme Patrice Demers, qui veut retrouver le dessert à l’assiette. Le fait de devoir renouveler le bail a permis de fixer une date de fermeture. « Après huit années, qu’on ne regrette aucunement, on a fait le tour de ce que je pouvais/voulais offrir ici. » Il ajoute avoir atteint la capacité maximale de production dans le Sud-Ouest ; la suite aurait donc été d’ouvrir une cuisine de production ou une autre succursale.

« Je préfère terminer sur du positif, alors que j’ai encore le goût de faire un peu avancer ce projet, plutôt qu’attendre d’être complètement brûlé et d’être contraint d’arrêter parce qu’on ne peut plus continuer financièrement. » Pour les six mois restants, il gardera la formule mise en place : 50 % de produits classiques et 50 % de nouveautés conçues en fonction de la saisonnalité des produits du Québec. « Ça explique notre choix de terminer à la fin de l’été : passer par la période incroyable du printemps et de l’été, où c’est vraiment la fête en matière de produits et de petits fruits. Pour un pâtissier, c’est vraiment le paradis ! Ça va rendre notre travail encore plus motivant pour les derniers mois. »

D’ici là, il ne lui reste plus qu’à vendre le fonds de commerce, le plus simple étant de le faire avec le repreneur du bail. De nouveaux projets ont déjà été amorcés pour le pâtissier : Patrice Demers sera notamment juge avec Ricardo Larrivée dans une nouvelle émission sur Food Network, qui commencera fin mars. À l’avenir, il souhaite faire de la consultation, participer à des événements, continuer d’enseigner à temps partiel à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, et voyager.

Crédit photo : Patrice Pâtissier

Pour suivre Patrice Pâtissier :

Mots-clés: pâtissier
Montréal (06)