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Crédit photo: Maison BonBec
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Maison BonBec suspend ses activités

31 mars 2023 | Par Sophie Poisson

Originaire de Lyon, Loĩc Bensoussan a choisi la praline rose – un mélange d’amandes, de noisettes, de sucre et de l’extrait de vanille - pour lancer son entreprise à Montréal en janvier 2020. Trois ans plus tard, il met en suspens ses activités et lance un appel aux entrepreneurs. Rencontre.

Est-ce que vous étiez déjà entrepreneur en France ?
Oui, j’ai commencé à 19 ans, mais dans d’autres domaines que l’alimentation : j’ai d’abord ouvert une boutique de vêtements, puis j’ai monté un centre d’affaires spécialisé dans le monde du textile, puis j’ai eu une boutique de chaussures et enfin je me suis tourné vers le transport sanitaire – transport de malades qui doivent aller à l’hôpital pour recevoir des soins. À chaque fois, j’ai essayé d’apprendre par moi-même et c’est aussi ce que j’ai fait en arrivant au Québec.

Je ne connaissais pas le métier de pâtissier, bien que j’avais développé une passion pour la cuisine. J’ai acquis les compétences le plus rapidement possible pour développer ensuite mon entreprise. S’il faut obligatoirement un diplôme pour ouvrir une pâtisserie en France, ce n’est pas le cas ici et je suis très fier d’avoir réussi sans ça. C’est un point que je souhaite mettre de l’avant, car nombreux sont ceux qui s’interdisent de faire des choses parce qu’ils n’ont pas un savoir-faire précis. J’ai tendance à dire qu’avec la passion, on est capable de beaucoup.

Pourquoi choisir un produit français pour rejoindre les consommateurs québécois ?
Lors de vacances au Québec en 2016, je me suis aperçu que la praline rose n’était pas représentée ici alors quand j’ai immigré avec ma famille en 2018, cette réflexion est devenue un projet entrepreneurial. Je pensais initialement importer le produit parce que je n’avais pas la connaissance pour le fabriquer, mais j’ai finalement appris à le faire parce que je trouvais que c’était important de maîtriser ma matière première. Ça me permettait aussi de répondre aux considérations des consommateurs : faire attention à la provenance et à la quantité de sucre. Ça a été l’un des points forts de mon entreprise.

Après avoir passé trois mois à développer vos recettes, vous avez fait vos premières ventes en avril. Est-ce que vos clients étaient des Français ?
Effectivement, c’était celle qui connaissait déjà le produit, mais mon réel objectif était d’arriver à me positionner du côté de la clientèle québécoise et même étrangère. C’était un élément essentiel. Au départ, ça s’est fait grâce au bouche-à-oreille. La praline rose a un côté souvenir d’enfance chez certains Français et je pense qu’ils ont voulu le partager avec des amis québécois qui, tout doucement, sont devenus à leur tour des consommateurs. C’est un produit atypique alors j’ai de la chance que les Québécois soient très curieux lorsqu’il s’agit d’alimentation.

Parallèlement, j’ai pris contact avec des gourmets québécois qui sont présents sur les réseaux sociaux. Je leur ai simplement demandé de goûter à mon produit et de me partager leurs commentaires. Je pense que ça m’a donné une belle visibilité.

La brioche aux pralines roses est votre produit phare. Est-ce que vous avez craint d’être dans une niche ?
Au contraire, c’est exactement ce que je voulais. J’aime beaucoup l’image du spécialiste d’un produit, car je pense que les consommateurs ont besoin d’avoir des références. Personnellement, je suis le premier à vouloir manger le meilleur bagel de Montréal, je suis donc prêt à me déplacer. Je voulais moi aussi avoir une singularité plutôt que d’être un entrepreneur parmi tant d’autres.

Un deuxième produit est venu se greffer à ma gamme dès le début du projet, le babka. La brioche à la praline rose, je la voyais plus comme un produit qui s’achète une fois par semaine ; tandis que le babka venait toucher les consommateurs dans leur quotidien. En même temps, je restais dans le monde de la brioche et j’avais la possibilité d’incorporer des saveurs, donc de la nouveauté.

Pourquoi avoir commencé dans un local partagé ?
Je ne me voyais pas au début créer une boutique autour de la praline rose : le produit n’était pas connu, je voulais donc voir s’il y avait un intérêt et je manquais certainement de savoir-faire pour assumer un projet avec du volume. D’avoir eu la chance d’y aller étape par étape dans une cuisine en sous-location, ça m’a donné de la souplesse et permis de contrôler ma production en la faisant uniquement sur commande pour ne pas créer de déchet. J’ai donc démarré sur les réseaux sociaux qui ont été ma vitrine. Ça m’a aussi permis de développer des ventes grâce à des mises en relation par des gens qui partageaient le local avec moi.

Est-ce aussi pour des raisons de visibilité que vos produits se sont retrouvés chez des détaillants ?
Oui, ça faisait partie de la stratégie de croissance. Mon choix de ne pas prendre de boutique était assumé au départ, mais à un moment donné, j’avais besoin de plus de visibilité. Je me suis donc tourné vers des personnes qui avaient de beaux points de vente. Sur ce point, ma vision a depuis évolué parce que la brioche à la praline rose est un produit très spécifique et il faut expliquer ce produit aux consommateurs. Et ce n’est pas une accusation, mais les gérants n’ont pas toujours le temps de le faire. En ayant notre propre boutique ensuite, je me suis rendu compte que j’étais le mieux placé pour représenter au mieux le produit.

À quel moment, avez-vous senti que c’était le bon moment d’ouvrir votre boutique sur l’avenue Parc ?
Il y a eu une étape intermédiaire : les marchés. La première année, j’ai fait environ cinq dates dans mon quartier pour gagner en visibilité, aller au-devant de la clientèle et faire goûter le produit. Ça s’est extrêmement bien passé ; l’année suivante, j’en ai donc fait 60 et je n’ai jamais ramené de marchandise chez moi. En plus, les consommateurs me demandaient sans cesse quand j’allais ouvrir une boutique.

On a l’impression que tout s’est passé pour le mieux. Est-ce qu’il y a quand même eu des défis ?
Il y en a eu énormément, en commençant par le stress et les remises en question pour avoir le produit tel que je l’imaginais, sans avoir vraiment les compétences. Le manque d’autonomie du matériel lorsque je partageais un local a fini par être difficile parce que la production était devenue trop grosse. Autre chose à mettre en lumière est la solitude de l’entrepreneur, car j’étais tout seul les deux premières années. Et le fait qu’aujourd’hui, je décide de mettre les activités en suspens, c’est la prise d’engagement - financier ou encore bail - et la prise de risque qui restent difficiles à gérer et engendrent du stress ainsi que de la fatigue. Il y a aussi la fatigue physique, car c’est un métier très demandant.

Vous parlez donc de suspendre vos activités. Qu’attendez-vous aujourd’hui ?
La production s’arrête, mais je laisse des portes ouvertes parce que le savoir-faire est acquis et ce serait dommage qu’il se perde parce que je reste persuadé qu’il y a vraiment de l’intérêt des consommateurs. Alors, pourquoi pas un partenaire, un rachat, un développement par d’autres entreprises déjà en place ?!

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Mots-clés: Entrevue
Montréal (06)