Se lancer dans la bière pour sauver sa distillerie

17 octobre 2023

La distillerie Puyjalon de Havre-Saint-Pierre, connue pour ses spiritueux parfumés aux aromates de la Côte-Nord, vient de se lancer dans la production de bière. Une activité qui pourrait bien sauver l’entreprise, confie son fondateur et copropriétaire, Mario Noël.

« On avait prévu depuis le début de créer un volet microbrasserie dans une prochaine phase d’investissement, mais si j’avais su comment ça se passerait, je l’aurais fait avant. En fait, si j’avais su à quel point ce serait difficile pour les distilleries en ce moment, je ne me serais peut-être même pas lancé dans la distillation... »

Il a fondé la distillerie Puyjalon en 2018, époque où l’industrie des spiritueux était en pleine émergence au Québec. « On s’est dit qu’on allait être la première distillerie de la Côte-Nord, que ce serait facile de se démarquer », se rappelle Mario Noël.

Les distilleries en difficulté

S’ils étaient une quinzaine en 2018, les détenteurs de permis de distillateur au Québec sont aujourd’hui dix fois plus nombreux. La compétition est devenue si féroce pour obtenir une place sur les tablettes des succursales de la Société des Alcools du Québec (SAQ), seul distributeur autorisé pour les spiritueux, que plusieurs distilleries sont en difficulté à l’heure actuelle.

Certains produits, moins demandés par les consommateurs, ne sont plus commandés par la SAQ. Les distillateurs n’ont alors d’autres choix que de viser l’exportation ou de vendre leurs produits sur place, à la distillerie.

Or, la majoration qui doit être payée au gouvernement est presque la même, que les produits soient vendus à la distillerie ou via la société d’état, soit 52,1% du prix de la bouteille. Vendre eux-mêmes leurs produits coûte donc plus cher aux distillateurs, puisqu’ils doivent y consacrer de la main-d’oeuvre. Pour rajouter à ces contraintes, les ventes de spiritueux se sont mises à chuter en raison du contexte inflationniste.

Six variétés de bières

Même s’il est présent dans 80 succursales, contre 220 auparavant, le gin Betchwan, produit phare de la distillerie Puyjalon, a toujours sa place sur les tablettes de la SAQ. Mario Noël observait une baisse des ventes depuis un moment quand il a décidé de se lancer dans la bière.

« On a réussi à monter le financement en 2021 pour agrandir la bâtisse, puis commander les équipements de brassage. Durant l’été 2022, on a réussi à faire venir un brasseur directement de la Belgique pour s’établir à Havre Saint-Pierre. C’est pas facile de trouver un brasseur, par ici ! L’offre d’emploi a été affichée pendant quelques mois », raconte Mario Noël.

La réalité a complètement changé à la distillerie. Les fermenteurs de la brasserie, équipée pour produire 1200 hectolitres de bière par année, sont maintenant remplis. En mai dernier, six variétés de bières en canettes ont commencé à être distribuées sur la Côte-Nord. Depuis septembre, elles se rendent jusqu’à Québec, et bientôt, seront à Montréal.

Un nouvel achalandage

« En quatre mois de production de bière à pleine capacité, j’ai dépassé mon chiffre d’affaires annuel de vente de spiritueux. Grâce au permis de consommation sur place qui vient avec le permis de brasseur, j’ai le droit d’avoir un petit salon de dégustation, un petit pub, où je peux attirer une clientèle locale. Il y a des gens qui viennent tous les jours. C’est ce qui a sauvé notre été. »

À cause de la réglementation, il a fallu isoler la boutique de spiritueux dans un petit local adjacent, mais grâce à l’achalandage créé par la bière, les produits se vendent plus qu’avant.

Mario Noël ne peut toujours pas offrir ses spiritueux pour la consommation sur place, ce que n’autorise pas le permis de distillation. « Pour pouvoir offrir des cocktails avec nos spiritueux, il faudrait un permis de bar, mais le bar ne peut pas être à la même adresse que l’usine. D’ici l’été prochain, on aura peut-être la possibilité d’arranger ça, mais pour l’instant, ça aurait été trop d’investissement. Si j’avais pensé à ça avant, j’aurais pu configurer ça différemment... »

Pour suivre Puyjalon, brasserie et distillerie :