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Crédit photo: La Presse Canadienne / Cole Burston

Enquête sur les clauses immobilières restrictives pour les épiceries

9 février 2024 | Par La Presse Canadienne

Le Bureau de la concurrence dit enquêter sur le recours à des clauses immobilières restrictives dans le secteur alimentaire canadien. Le sous-commissaire Anthony Durocher a déclaré devant un comité de la Chambre des communes étudiant les prix des aliments que ces mesures, souvent appelées « contrôles de propriété », peuvent constituer un obstacle majeur à l’entrée et à l’expansion sur le marché canadien.

« Nous menons activement une enquête d’application de la loi dans le secteur alimentaire concernant le recours aux contrôles immobiliers », a déclaré M. Durocher aux députés jeudi. Le Bureau de la concurrence a confirmé l’enquête par courriel, soulignant qu’il n’y avait aucune conclusion d’acte répréhensible pour le moment.

Dans le rapport du Bureau de juin 2023 sur la concurrence dans le secteur de l’épicerie, il décrit les contrôles de propriété comme des clauses ajoutées à un bail ou à un acte qui limitent la manière dont les biens immobiliers peuvent être utilisés par les concurrents. Cela peut inclure la limitation des types de magasins pouvant ouvrir dans un centre commercial ou la limitation du type de magasin autorisé à ouvrir à cet endroit après le départ d’un locataire de la propriété.

Si une épicerie déménage à proximité, la clause de contrôle de propriété pourrait ainsi empêcher un concurrent d’entrer dans l’ancien magasin. Il peut s’agir d’un épicier rival ou même d’une entreprise plus spécifique comme une boulangerie. La clause pourrait également empêcher d’autres magasins de vendre des produits similaires.

« L’effet est qu’en fin de compte, ils peuvent simplement rendre plus difficile l’entrée d’un concurrent dans le même espace, a expliqué le sous-commissaire associé Bradley Callaghan, lors de la réunion du comité. Il pourrait s’agir du même centre commercial, mais il pourrait également couvrir une zone géographique plus large. »

« Protéger la concurrence »

Le rapport du Bureau recommande aux gouvernements de restreindre l’utilisation de ces clauses dans le secteur, affirmant qu’elles rendent plus difficile l’ouverture de nouveaux supermarchés et peuvent freiner la concurrence.

M. Durocher a indiqué que les récentes modifications apportées à la Loi sur la concurrence ont donné au Bureau davantage d’outils pour protéger et promouvoir la concurrence, notamment grâce au projet de loi C-56, devenu loi en décembre. « Le Bureau s’engage à utiliser les nouveaux outils rendus disponibles grâce à ces modifications chaque fois que nécessaires pour protéger la concurrence », a soutenu M. Durocher.

« Nous sommes encouragés de voir que le Bureau cherche déjà à utiliser ses nouveaux pouvoirs, a affirmé Audrey Champoux, porte-parole du ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne. Les Canadiens s’y attendent et nous sommes heureux de voir qu’ils agissent rapidement. »

La « barre sera haute » pour le bureau

Keldon Bester, directeur exécutif du Projet antimonopole canadien, a salué l’annonce d’une enquête du Bureau. « Je suis heureux de voir le bureau agir rapidement », a-t-il déclaré. Un amendement clé du projet de loi C-56 élargit la portée des types d’accords que le Bureau peut examiner, a indiqué M. Bester.

Auparavant, la Loi sur la concurrence contenait des dispositions interdisant aux concurrents de conclure des accords susceptibles d’empêcher ou de diminuer la concurrence sur un marché. Désormais, ces dispositions incluent des accords qui ne concernent pas uniquement deux concurrents, comme un accord entre un épicier et son propriétaire, a expliqué M. Bester.

Les contrôles fonciers rendent également plus attractive la consolidation des entreprises comme moyen de croissance, a précisé M. Bester. « Si les biens immobiliers de premier ordre sont enveloppés dans ce type d’accords, si une entreprise souhaite se développer, elle est encouragée à les racheter et à réduire la concurrence », a-t-il déclaré.

La barre sera haute pour que le Bureau prouve que de telles clauses sont largement utilisées et que leur utilisation généralisée nuit à la concurrence, a affirmé Michael Osborne, président du département canadien de concurrence du cabinet d’avocats Cozen O’Connor.

« Ce n’est pas un argument facile à défendre, et cela ne devrait pas l’être, a-t-il dit. Le Bureau de la concurrence doit encore prouver que, globalement, cela entraîne une diminution ou un empêchement substantiels de la concurrence. »

Les contrôles fonciers, un « obstacle »

M. Durocher a déclaré aux députés que les contrôles fonciers peuvent constituer un obstacle à la fois pour les épiceries indépendantes et les chaînes qui cherchent à se développer, ainsi que pour les acteurs étrangers souhaitant pénétrer le marché canadien.

« C’est pourquoi l’une de nos recommandations dans le rapport, et c’est quelque chose qu’un certain nombre d’autres pays ont fait, est d’envisager de limiter leur utilisation ou de les interdire complètement dans le secteur de l’épicerie, car ils peuvent nuire à la concurrence », a-t-il affirmé. Le ministre Champagne a récemment déclaré qu’il tentait d’attirer les épiciers étrangers au Canada afin de stimuler la concurrence.

Si le Bureau estime que les accords de contrôle de propriété dans les épiceries canadiennes limitent la concurrence, il peut rendre ses conclusions publiques et communiquer que ce type d’accords n’est « plus acceptable », a indiqué M. Bester. Et si les nouvelles modifications apportées à la loi par le projet de loi C-59 sont adoptées, le projet de loi aura également le pouvoir d’imposer des amendes pour de tels accords.

Mais il serait également bon que les gouvernements adoptent une législation restreignant de tels accords, a ajouté M. Bester. « Ce que nous devons vraiment faire au Canada, à un niveau général, c’est changer la norme du statu quo, a-t-il dit. En faisant cela – et vous avez besoin de la loi pour le faire – nous pouvons réellement attirer davantage de concurrence de la part des acteurs existants. »

Mots-clés: Canada