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Crédit photo: Un groupe d’enfants visite la boulangerie industrielle Le Pain moderne canadien, vers 1957. Studio O. Allard enregistrée, Fonds Studio O. Allard photographes incorporée, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, BAnQ Vieux-Montréal
||| Métiers

Le pain sous toutes ses formes à l’Écomusée du fier monde

7 février 2022

De la fabrication artisanale jusqu’à l’émergence des grandes boulangeries industrielles, l’Écomusée du fier monde de Montréal présente Tranches d’histoire : pain et boulangeries à Montréal. Située sur l’étage principal - entre l’exposition permanente et celle dédiée au pionnier de la nouvelle muséologie au Québec René Rivard -, cette exposition permet en une heure de faire le tour du sujet, autant via des documentaires que des partitions musicales ou encore des accessoires.

« Aux 18e et 19e siècles, le boulanger joue un rôle crucial en assurant la subsistance d’une population qui n’a pas toujours accès aux produits de base ou qui ne dispose pas des installations adéquates pour la préparation du pain, remet en contexte le musée. Soumis à une réglementation rigoureuse, le boulanger doit respecter les poids et le prix imposés par les autorités. » Souvent seul, il est parfois soutenu par de jeunes apprentis. Dans les établissements les plus importants, il compte sur des compagnons boulangers, formés au métier, qui attendent d’ouvrir leur propre boutique.

De nombreuses boulangeries se retrouvent sur des lots qui incluent une habitation, voire une remise et une écurie pour la livraison. La fabrication du pain se fait parfois à l’arrière, comme en témoigne la maquette de la boulangerie Monette à Pointe-aux-Trembles, vers 1910. Trois cartes de Montréal apposées l’une à côté de l’autre montrent l’évolution de la présence des boulangeries et leurs tailles. Par exemple, à la veille de la Grande Crise économique des années 1930, une trentaine de petits établissements se retrouvent dans le secteur aujourd’hui appelé Le Plateau-Mont-Royal, alors qu’après la Seconde Guerre mondiale, leur nombre diminue progressivement au profit d’entreprises qui occupent des sites industriels de plus grande envergure.

Équipements et accessoires

Plusieurs publicités exposées mettent aussi de l’avant les équipements. En juin 1930, la boulangerie industrielle Le Pain moderne canadien souligne : « Figurez-vous une batteuse d’œufs du poids de votre automobile ! Une énorme cuvette pouvant fouetter cinquante pintes de crème tenues dans un état de fraîcheur constante par des jets d’eau froide contre les parois d’une enveloppe extérieure. » En septembre de la même année, elle lance la semaine d’exposition de fabrication de pain et de gâteaux à son usine de l’avenue Papineau.

Au début des années 1980, les conventions collectives de Pain moderne canadien identifient 17 titres d’emploi, dont des mécaniciens d’entretien, des opérateurs de diviseuse de pâte ou encore des graisseurs de tôle. L’exposition dévoile plusieurs accessoires, dont le chapeau de la Boulangerie R. Samson - la plus grande de l’est du Québec, qui sera à l’origine de la création de Multimarques - et des épinglettes de livreurs de farine Robin Hood, qui soulignent 5 années sans accidents de la route.

M. Gilbert, de la compagnie James Strachan Limited, distributeur des pains et gâteaux Idéal. Photo prise au square Sir-George-Etienne-Cartier à Saint-Henri en 1939. Crédit photo : Société historique de Saint-Henri

Le rôle des minoteries

L’exposition revient sur la place des minoteries - établissements où l’on transforme les grains en farine. La première à s’établir dans le sud-ouest de Montréal est la City Flour Mills en 1848. Des anecdotes sont également citées, comme celle du banquet tenu à Winnipeg en 1895, lors duquel l’industriel Charles Alfred Pillsbury a porté un toast à William Watson Ogilvie, le « plus grand minotier du monde ».

Les minoteries investissent dans la boulangerie à partir des années 1920 pour maintenir leur volume de vente. On apprend qu’en 1931, 54 % du pain vendu à Montréal est ainsi fabriqué dans la boulangerie d’une minoterie. Et les grandes minoteries encouragent les épiciers à offrir des calendriers à leur clientèle. Celui de Farine Robin Hood offert en 1935 par A. A. Germain et Cie se retrouve notamment à l’Écomusée du fier monde. L’histoire d’emblèmes du patrimoine industriel montréalais est aussi expliquée, comme le néon publicitaire de la rue Mill, Farine Five Roses, qui fait référence à Ogilvie et à l’achat en 1954 de sa plus proche rivale Lake of Woods, qui détient la marque Five Roses.

La place du pain blanc

L’exposition explique qu’au début du 19e siècle les pains les plus consommés sont le pain bis, fabriqué à partir d’une farine grossière contenant du son, et le pain brun, préparé à partir de farine de blé mélangée à d’autres céréales. Quant au pain blanc, il se retrouve dans les familles plus aisées, car il est composé de farine de blé, qui est plus fine et épurée de plusieurs composantes du grain.

L’émergence des grandes minoteries et l’industrialisation dans la seconde moitié du 19e siècle favorisent l’utilisation d’une farine blanche produite mécaniquement dans de grands complexes industriels. « Le pain blanc représente alors un idéal de pureté, de saveur et de modernité, explique l’Écomusée du fier monde. Par la suite, différents ingrédients sont ajoutés, tels que des corps gras, qui permettent une texture plus moelleuse. Puis, lors de la Seconde Guerre mondiale, des vitamines sont introduites afin d’accroître ses qualités nutritives. »

Différentes brochures sont présentées, dont celles d’experts en nutrition publiées par le ministère de l’Agriculture, comme La grande erreur du pain blanc en 1916 et Le pain de ménage en 1934, qui critiquent la farine blanche. Le pain domestique, produit à partir d’une farine entière, est cité pour remplacer le pain industriel. « Dans une société qui s’industrialise et s’urbanise rapidement, la promotion des valeurs conservatrices – agriculture, religion, famille – répond aux tensions qui s’exercent entre tradition et modernité. » Une exposition gourmande, à visiter jusqu’au 6 mars.

L’Écomusée du fier monde. Crédit photo : Sophie Poisson

Mots-clés: boulanger-pâtissier
Montréal (06)